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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/126

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Ils avaient bien, les pauvres petits, la fameuse chemise rouge, mais vieille, rapiécée, passée, déteinte, crasseuse et poussiéreuse, lamentable et pitoyable comme une chemise de Garibaldi, après la fameuse retraite et, en vérité, ils en avaient assez et ils voulaient la chemise rouge neuve, sans penser, pour sûr, à Garibaldi, ou ils allaient la rendre, tout comme une bonne rend son tablier, au desservant avare, rapace et sans cœur qui leur infligeait, aux yeux des gamines du pays, le dimanche, cette perpétuelle et constante humiliation. C’en était fait : la soutanelle rouge ou la grève !

La résolution une fois prise, irrévocablement, la corporation tout entière des enfants de chœur, fortement syndiquée et composée de deux enfants de chœur actifs et d’un suppléant, allèrent, trio héroïque, porter très dignement leur ultimatum à M. le curé.

Celui-ci commença par leur rire au nez et les envoya promener, mais comme il vit que la résolution était sérieuse, il voulut bien parlementer et demanda quinze jours pour gagner du temps, réfléchir et intriguer, bien entendu.

Les trois enfants, forts de leur droit et de la justesse de leur légitime revendication, lui accordèrent sans difficulté les quinze jours demandés.

Le desservant, sournois et hypocrite, en profita pour courir chez les parents des trois pauvres enfants réclamer contre eux les punitions corporelles, les châtiments les plus terribles et les plus