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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/140

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crânes et les tibias sont longuement numérotés on a les offrir à leurs familles respectives — ce qui n’est d’ailleurs qu’une formalité — et si elles refusent — ce qui arrive toujours — on les place alors, avec ordre et méthode, dans la fameuse salle des morts, à la suite, classés avec leur numéro d’ordre, entre l’église et la sacristie.

Pour moi je ne connais rien de plus horriblement funambulesque.

En général la salle des morts est assez désertée ; les gens du pays n’y vont guère qu’aux fêtes religieuses et plus particulièrement le jour de la fête des morts et à la Toussaint. En été elle est très visitée par les touristes, les étrangers et alors ce musée macabre devient une source de gros, très gros revenus pour ceux qui encaissent la forte somme, généralement un franc par visiteur, sans compter les cierges. Il suffit d’une centaine de mille visiteurs pendant la saison pour mettre un beurre de première qualité dans les épinards.

Tout cela ce n’est rien ; en général, les touristes et les étrangers, un peu surpris et légèrement estomaqués — il y a de quoi — se conduisent avec respect devant ces crânes anonymes et ces tibias inconnus pour eux, car les numéros ne leur disent rien.

Mais on sait que les Suisses voyagent beaucoup à travers le monde ; ceux des trois cantons romanches ou italiens, comme vous voudrez, sont généralement pâtissiers, peintres ou vitriers et souvent ces deux dernières professions n’en qu’une font pour eux.