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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/180

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Donc, il y a dix-sept ans passés, lorsque leur mère, une brave fermière du pays, les mit au monde, ce fut une révolution dans tout le district et l’on crut qu’ils allaient mourir. Ils étaient collés, soudés ensemble, mais d’une façon extraordinaire, inattendue, inouïe, tête à tête, crâne à crâne, tête-bêche en un mot ; contre toute attente, ils vinrent comme des champignons et ne tardèrent pas à montrer une grande intelligence.

La mère avait fait un lit avec un oreiller central et ils y couchaient forcément tête à tête et le lit avait deux pieds et pas de tête, lui ! C’était vraiment curieux et épatant.

Tous les médecins des États-Unis, les spécialistes des maladies des rognons et autres bipèdes pseudo-savants vinrent examiner les deux frères et déclarèrent que toute opération était impossible ou plutôt serait mortelle, car il n’y avait pas d’os du crâne entre les deux cervelles des deux frères, le sommet de la boite crânienne leur faisant absolument défaut. Il fallait donc se résoudre à attendre et à les laisser ainsi et plus tard l’examen de leurs deux têtes avec l’aide des rayons Rœntgen démontra qu’en effet toute espèce d’opération cherchant à les séparer était radicalement impossible.

Cependant ils avaient grandi, ils avaient trois ans, quatre ans, ils étaient d’une intelligence merveilleuse et leurs parents les adoraient à cause de leur infirmité même et de toutes leurs gentillesses.