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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/285

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— Je vous connais un peu ; vous entrez parfois ici acheter un quart de londrès, de plus je sais qui vous êtes par un sculpteur du quartier ; j’ai confiance en vous. Eh bien voilà, j’ai retrouvé enfouis dans ma cave, à fleur de sol, la caisse en fer suivante qui renfermait les bras en marbre blanc, oui, Monsieur, les deux bras de la Vénus de Milo.

Tous les artistes du quartier me l’ont dit, il n’y a pas à se tromper et je voudrais bien que vous trouviez le moyen de me faire acheter ça un bon prix par l’administration des Beaux-Arts, des Musées, que sais-je, car je ne suis pas assez riche pour en faire don au gouvernement.

En effet, ayant ouvert lentement une vieille caisse de fer rouillée et fruste, il en tira, reposant sur de la ouate, deux admirables bras de femme en marbre un peu jauni par le temps, mais d’un galbe admirable, d’une délicieuse patine.

Et comme il jouissait de ma stupéfaction, en brave marchand de vin, il me dit :

— Du coup, ça y est ; je tiens la fortune et il y aura une petite commission pour vous, les affaires sont les affaires.

— Jamais de la vie, je travaille pour l’art, à l’œil et de ce pas je cours à la rue de Valois.

— Tenez, ne lit-on pas même ici sur la caisse : Milo, dont les lettres sont aux trois quarts rongées par la rouille ?

— Peut-être, mais je me sauve pour informer