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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/36

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s’était retiré, après fortune faite dans la quincaillerie en gros, dans une propriété entourée d’un véritable parc, qui avait des airs de château et qu’il avait achetée presque pour rien à un vieux colonel qui avait eu la naïveté de la faire bâtir à son compte et qui un beau jour avait éprouvé le besoin, dans un accès d’ennui, d’aller finir ceux qui lui restaient encore à vivre à Paris.

Retiré des affaires encore jeune, mon brave ami n’avait pas tardé à se lier avec les familles les plus cossues du pays et à aller chasser ainsi un peu partout dans les environs et il n’avait pas tardé idem de recevoir la charge de plomb d’un compagnon maladroit et de perdre un œil.

Navré, désolé, mais nonobstant guéri, il s’était fait mettre un œil de verre superbe, exactement de la même couleur que l’autre et, n’était la fixité de la paupière, c’est à peine si l’on pouvait s’apercevoir du terrible accident qui avait failli le défigurer et lui faire perdre la vue.

Tout allait bien ainsi depuis plusieurs années ; il continuait à aider son jardinier dans l’entretien de son parc et de son immense potager, il continuait aussi à chasser, comme un chasseur incorrigible et il était même devenu conseiller municipal, en passe d’être nommé maire de sa commune, lorsqu’un matin qu’il était en train de laver tranquillement son œil de verre dans un autre verre d’eau, il le laissa choir si malheureusement sur le marbre de sa cheminée qu’il se forma une belle