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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/42

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Une victime de la nature

Sourd et muet. — Sans bras ni jambes. — À travers les cours de l’Europe. — Cécité accidentelle. — Difficile interview.

Il y a vraiment dans la nature des situations horribles qui semblent dépasser tous les coups du fatum antique et que non seulement on ne pourrait pas mettre au théâtre, mais que l’on ose à peine raconter dans un livre, tant elles paraissent invraisemblables, malgré leur trop réelle authenticité.

Tout le monde a entendu parler dans sa vie de monstres informes, idiots et que les parents cachaient à tous les yeux, tout en les soignant avec dévoûment. Pour mon compte, j’en ai connu deux ou trois et cela est de peu d’intérêt ; ça relève de la tératologie et rien de plus.

Mais ce que je veux conter ici aujourd’hui c’est la vie d’une pauvre fille, fort intelligente, que j’ai rencontrée plusieurs fois chez mes parents, lorsque mon père était juge de paix à Mer, dans le Loir-et-Cher. On va voir tout à l’heure dans quelles circonstances.

Fille de paysans peu fortunés, la malheureuse était venue au monde sans bras, ni jambes, mais le tronc parfaitement constitué et, de plus, sourde et muette.