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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/421

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blanche écume, les arbres, les fleurs étaient plus vivants que nature ; mais hélas, ça valait 70 000 francs et ces jolies choses ne sont pas à la portée de tout le monde.

Pendant l’Exposition de 1900, il avait fait venir toute une collection de ces arbres nains, de ces cèdres foudroyés dès leur naissance, de ces conifères rabougris, contournés et aplatis comme un cèdre du Liban frappé par la foudre ; espèces de mandragores inconnues jusqu’à ce jour et qui semblaient dormir d’un sommeil maladif et hiératique dans leurs vases de porcelaine…

Ces arbres nains se vendaient relativement fort cher, mais ils se vendaient en grande quantité, tant ils avaient tout à la fois frappé et amusé l’esprit des snobs qui se figurent naïvement faire partie intégrante du peuple le plus spirituel de la terre, alors qu’ils n’en sont que les scories. Toujours est-il que ce fut un trait de lumière pour mon jeune ami japonais, pas entêté pour deux sous et fort avisé comme les gens de sa race.

Six mois après l’exposition — le temps de vendre à propos ses marchandises, — il avait liquidé son magasin et, sur mes instances, il vint, avec une assez forte somme qu’il avait réalisée, s’installer ici, je ne dirai pas horticulteur, ni maraîcher, ni vivrier, ni éleveur de primeurs, ni directeur de forceries, ni jardinier, car tous ces qualificatifs seraient impropres, non il vint s’établir ici fabricant-constructeur-mécanicien de fruits et de légumes.