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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/491

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nous, etc., etc. L’interlocuteur paraît instruit, mais peu communicatif et enfin, prenant son courage à deux mains, l’industriel lui dit sur un ton aimablement interrogatif :

— Et vous, monsieur, dans quelle partie êtes-vous ?

Et l’autre, sur un ton mélodramatique et sombre lui répond d’une voix caverneuse :

— Moi, je voyage dans l’assassinat.

Le pauvre homme fit un haut-le-corps et pensa in-petto :

Je m’en doutais, je suis frit !

Le rapide venait de quitter Vernon pour faire de l’eau et ne s’arrêtait plus avant Rouen ; impossible de descendre. Du coup, il en laissa éteindre son cigare, bien résolu à offrir tout ce qu’il avait sur lui, au moindre geste inquiétant et la conversation devint languissante jusqu’à la gare de la rue Verte.

On se sépara en se serrant la main, et comme la femme du manufacturier était venue le chercher dans son breack, il lui dit à peine installé :

— En fait de verte, je viens d’en voir une qui l’est encore plus que la rue ; ma parole, je ne suis pas capon, tu le sais, mais j’ai peur d’avoir la jaunisse. Figure-toi que, depuis Paris, j’ai voyagé avec un assassin.

— Il a voulu te tuer, mon gros chat !

— Non, pas le moins du monde, mais c’est lui-même qui s’en est vanté.

Le soir, pour se remettre, il alla au premier