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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/88

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Au même instant, mon ami et moi, frappés des mêmes phénomènes, partirent d’un tel éclat de rire que cette fois le curé, le bedeau, les chantres, la fille et le gendre de la défunte, sans compter le mari, faillirent nous écharper et ils poussèrent un hurlement sinistre de menace :

— Oh les lâches !

Et mon ami s’écria :

— Les lâches, non, les sauveurs.

Vous voyez bien que cette malheureuse que vous alliez enterrer vivante remue et gémit. Et vivement il lui découvrit le visage et la bonne femme se mit à remuer et à pousser des soupirs et à agiter ses paupières. C’est-à-dire que le coup de l’automobile l’avait simplement fait sortir de son état léthargique.

— Allons vite, fis-je, enveloppez cette femme dans vos châles et reportez-là dans son lit, au chaud, notre auto est à votre disposition ; la fille monta et avec nous la bonne femme bien enveloppée et cinq minutes après, couchée chaudement, elle revenait tout à fait à elle.

Ce fut un événement épatant dans tout le pays, la fille pleurait de joie, le mari en était muet et seul le gendre était soucieux, car le mari étant plus vieux et malade, c’était un héritage de plus de trois cent mille francs qui lui échappait. Cependant il fit bonne contenance, on trinqua et nous repartîmes et une fois en route mon ami me disait :

— Sont-ils avares les paysans normands, nous