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Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 2.djvu/141

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Selon les artistes allemands établis à Rome, quiconque n’a jamais passé le pont Molle est ignorant comme l’enfant qui vient de naître. Celui qui arrive d’Allemagne commence par se faire admettre dans la société des Ponte-Molle, avant d’oser ouvrir la bouche pour dire un mot ou boire un verre de bière. On va le chercher en cérémonie au delà du pont, où il attend ses compatriotes, et là on l’interroge. À chaque question, le candidat doit répondre de la manière la plus absurde. Si on lui montre un arbre, par exemple, il affirme que c’est une pierre ; il ne sait pas même comment il s’appelle, de quel pays il vient ni où il se trouve. On passe ensuite le Tibre et on procède à un nouvel examen ; c’est alors que le candidat devient un être doué de raison, qu’il se rappelle qui il est, d’où il vient, et distingue un arbre d’une pierre. On le déclare membre de la compagnie, et la cérémonie se termine dans une locanda, sous quelque tonnelle de verdure, au milieu des bouteilles et des nuages de fumée. C’est une bonne journée de folie et