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Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 2.djvu/263

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dre dî-e pour amoureux des Lestrigons sauvages qui tirent sur les passants à coups d’espingole. » À cette botte inattendue, la véritable Tonina se lève et sort de sa loge, au milieu des applaudissements frénétiques du parterre. Après le spectacle, Gozzi court chercher la courtisane et l’amène au bal par la main ; il la fait danser, s’assied auprès d’elle au souper.

— Quel dommage ! lui dit Tonina en tournant vers lui avec tendresse ses yeux magnifiques, quel dommage qu’un gentilhomme aussi aimable soit mon ennemi !

À la fin du souper, les têtes s’échauffent, et le jeune officier sent que ces yeux redoutables vont l’enflammer ; mais il comprend le danger et connaît trop la vengeance vénitienne pour s’exposer à la vengeance dalmate. Je croirais volontiers que Tonina n’était pas aussi méchante que Gozzi le supposait, car, malgré les espingoles et les poignards dont elle disposait, elle n’envoya point ses Lestrigons à celui qui l’avait attaquée publiquement.