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Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/101

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LE ROMANTISME.

pas à se débarrasser do ces mièvreries. Nul n’eut plus de pari que lui à l’étude profonde et sentie de nos origines. Dès 1827, dans la préface de Cromwell, il appuie sa théorie du grotesque sur l’art et la poésie du moyen âge, l’un qui sculpte ses monstres et ses démons au front des cathédrales, le long des frises et au bord des toits, déroule autour des chapiteaux ses figures grimaçantes, encadre ses enfers et ses purgatoires sous l’ogive des portails, l’autre, qui sème à pleines mains, ses intarissables parodies de l’humanité, et qui, non moins féconde dans le difforme et l’horrible que dans le comique et le bouffon, « fait gambader Sganarelle autour de don Juan et ramper Méphistophélès autour de Faust ». À la mythologie antique il oppose le merveilleux national attachant au christianisme mille superstitions originales et mille imaginations pittoresques, peuplant l’air, l’eau, la terre, le feu, de ces myriades d’êtres intermédiaires que nous retrouvons partout dans les traditions et les légendes, remplaçant l’hydre de Lerne par les dragons locaux de nos chroniques, les Euménides par les sorcières, les Cyclopes par les gnomes, Pluton par le diable. À la monotone simplicité de l’art ancien, à la beauté solennelle que l’antiquité répandait uniformément sur toute chose, il oppose les types inépuisables du laid dans son alliance intime et créatrice avec le beau ; aux œuvres parfaites du génie classique, les œuvres inachevées que tourmente la pensée de l’infini.

Notre-Dame de Paris n’est autre chose que l’épopée du gothique, et, si l’ironie du poète se joue dans les alentours, elle s’arrête au seuil de la vieille cathédrale par laquelle il symbolise une époque entière dans son architecture, qui y tient la place de tous les arts. Autant le « bon goût » classique répugnait au génie du moyen âge, autant le romantisme en est épris. Il en renoue les traditions. Il en a la vraie intelligence, le sentiment filial. Il remonte pieusement jusqu’à cette civilisation complexe où se heurtent tous les contrastes, jusqu’à cet art naïf et savant à la fois où le grotesque coudoie le sublime, jusqu’à cette végé-