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Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/136

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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

disait Fontanes, ce sont de très beaux vers, mais il n’a que cela dans le ventre. » Lamartine fit mieux dans la suite, il ne fit guère autre chose. Après Jocelyn, ses défauts s’accusèrent de plus en plus. Il continuait à fournir des « méditations » et des « harmonies », mais dont l’abondance diffuse ne pouvait plus faire illusion qu’à lui-même. Le fleuve débordait au hasard. C’était comme un déluge de poésie lâche et verbeuse.

L’inspiration fondamentale de Lamartine procède d’un idéalisme un peu vague, mais élevé et généreux, dans lequel nous trouvons bien moins une conception réfléchie qu’un état moral instinctif. Le matérialisme, qui inspirait au poète dans sa jeunesse « une invincible horreur », resta toujours antipathique à sa nature. Chantre de l’idéal en amour comme en religion, en politique comme en amour, il le chante dans une langue elle-même tout idéalisée. À cet idéalisme spontané se lie un invincible besoin d’espérer et de croire. Le poète a bien ses moments de doute, parfois de révolte ; les cris de désespoir qu’il pousse dans ses premières Méditations prolongent leur écho jusque dans les Harmonies, et, lors même qu’il jette sur l’univers et sur l’homme un regard plus apaisé, sa foi ne s’assure jamais sans retour contre toute défaillance. La fatalité des lois historiques, l’impassibilité de la nature, déconcertent encore et troublent son âme. Cependant, sa disposition la plus ordinaire est une sérénité confiante, une gratitude démonstrative, qu’il épanche en hymnes et en oraisons. Il se lève une nuit et rallume sa lampe pour écrire le Désespoir, « gémissement ou plutôt rugissement de son âme » : ce n’est là qu’un accès, et, le lendemain, il écrit la Providence à l’homme. Si, quand il compose l’Immortalité, il est « plongé dans la nuit du cœur », « la douleur et le doute ne peuvent jamais briser tout à fait une élasticité toujours prêle à réagir et à relever en lui l’espérance » ; dans cette pièce même, il résume toute sa philosophie par ces mots d indomptable foi : « J’aime, il faut que j’espère ! » En un de ces moments « où la vie devient sombre comme sous le