Aller au contenu

Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
LE LYRISME ROMANTIQUE.

pas trouvé. » Quant à lui, il ne cherche pas ; il s’abandonne au courant de sa veine, et ne connaît ni hésitation ni rature. S’il revient jamais sur ce qu’il fait, c’est non pour le châtier, mais pour le refaire. Ses meilleures pièces — il le déclare en propres termes — sont de véritables improvisations en vers. Il finit par se laisser aller à la dérive et par offrir au public ce que Sainte-Beuve appelle des brouillons.

Cet improvisateur est aussi un amateur. Lui-même se donne ce nom. « La poésie, dit-il, était un accident, une aventure heureuse, une bonne fortune dans ma vie. » Il se tient à l’écart de toute école, de toute querelle littéraire. Il écrit ses vers au hasard, dans les bois, en bateau, à cheval. Il affecte de songer fort peu à sa gloire poétique, il fait bon marché de son propre talent. Il dédaigne tout ce qui se rapporte au métier. Mais, en poésie, le métier s’appelle un art, et il n’est pas bon que le poète en parle avec un tel détachement. Quand Lamartine dit que l’art véritable consiste à être touché, il confond deux choses bien différentes : le véritable artiste est plutôt celui qui, dominant son émotion, l’exprime dans une forme parfaite. C’est là ce qui manque à cet admirable génie. Il ne sait pas se régler, s’amender, au besoin se contraindre. « Je n’aime pas l’effort », a-t-il dit avec candeur. Et ailleurs : « Vous savez combien je suis incapable du pénible travail de la lime et de la critique ». Ainsi s’expliquent tous les défauts qui déparent souvent ses plus belles pièces, épithètes molles et banales, images incohérentes, platitudes, impropriétés et même incorrections, les rimes inexactes, le rythme flottant autour de la phrase sans en accuser les formes, le plan lâché au hasard de l’inspiration, une prolixité vague et fluide dans laquelle se noient la pensée et le sentiment.

Lamartine eut toutes les qualités que comporte la nature sans le secours du travail. Si la poésie n’avait pour loi, ou même pour raison d’être, une perfection absolue de la forme, nous n’hésiterions pas à saluer en lui le plus grand de tous nos poètes. Si les plus beaux vers sont, ainsi que Joubert l’a dit, ceux qui s’exhalent comme des