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Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/203

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L’HISTOIRE.

lorsqu’il arrive au chant de guerre des Franks, pour marcher d’un bout à l’autre de la salle en répétant à haute voix : « Pharamond, Pharamond, nous avons combattu avec l’épée ! » Et, après avoir trouvé dans Chateaubriand son premier initiateur, il eut dans Walter Scott un guide et un maître. « Mon admiration pour ce grand écrivain, a-t-il dit lui-même, était profonde ; elle croissait à mesure que je confrontais dans mes études sa prodigieuse intelligence du passé avec la mesquine et terne érudition des historiens modernes les plus célèbres. Ce fut avec un transport d’enthousiasme que je saluai l’apparition du chef-d’œuvre d’Ivanhoé. » Les Martyrs et Ivanhoé : l’impression que produisirent sur lui ces deux ouvrages se retrouve toute vivante en ses deux chefs-d’œuvre, les Récits des temps mérovingiens et la Conquête de l’Angleterre.

Ce que faisaient les romantiques dans le domaine de la poésie, il le fit dans le domaine de l’histoire. Vers 1817, désireux de contribuer pour sa part au triomphe des opinions constitutionnelles, il s’était mis à chercher dans les livres des preuves et des arguments ; mais il s’aperçut bientôt que l’histoire, en dehors des inductions qu’il en tirait pour le présent, lui plaisait en elle-même, comme tableau des âges passés. De 1817 à 1820, sa vocation se décida avec une force irrésistible. « Planter pour la France du xixe siècle le drapeau de la réforme historique », telle était dès lors l’ambition du jeune historien. Réforme dans les études, réforme dans la manière d’écrire ; guerre aux écrivains sans érudition qui n’ont pas su voir et aux écrivains sans imagination qui n’ont pas su rendre.

Il commença par indiquer dans ses Lettres sur l’histoire de France le sens de cette rénovation qui devait porter en même temps sur le fond et sur la forme, intimement liés l’un à l’autre. En remontant aux sources, l’historien retrouverait la vérité, une vérité tout ingénue, dont les préjugés, les conventions et les bienséances factices n’ont pas encore poli la rudesse ou fardé la candeur ; il la retrouverait non pas seulement dans les dates et les faits matériels, mais