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Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/225

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LA CRITIQUE.

les guerres de l’Empire, il fallait un art plus expressif qu’aux courtisans de Louis XIV.

Tandis que l’école pseudo-classique prétendait enfermer l’avide et impatient génie du siècle dans l’étroite observance des règles et l’imitation timide des modèles, il se formait parmi les jeunes générations un esprit d’indépendance éclairée et réfléchie, qui, toujours fidèle aux traditions domestiques, essaya de les concilier avec une intelligence plus large et plus impartiale de la beauté. Les principaux représentants du libéralisme littéraire se groupèrent dans une Revue destinée à exercer sur le goût public une influence décisive. Fondée en 1824, cette Revue fut, pendant les six ans qu’elle dura, l’organe d’une critique hospitalière qui se donna pour tâche de susciter les tentatives et de les encourager par un sympathique accueil. Le Globe s’associa à toutes les entreprises de l’esprit réformateur. Il dirigea le grand mouvement littéraire du temps. Il lutta contre l’intolérance oppressive de l’école scolaslique sans se prêter aux juvéniles témérités qui pouvaient déjà compromettre le romantisme. Il fit admirera la France les grands poètes étrangers, mais en maintenant toujours avec fermeté ce qu’il y a de vraiment national dans la discipline classique. Alliant le souci des traditions au goût de la nouveauté et le respect du passé à la foi dans l’avenir, il fut hardi, mais avec sagesse, comme il était mesuré, mais avec décision.

Sans prendre une part active aux querelles de l’époque, Villemain, en qui les rédacteurs du Globe acclamaient leur maître, s’était engagé avant eux dans la voie où ils guidaient l’esprit des générations nouvelles avec un sens si juste et si libéral. Il est le premier de nos écrivains qui applique avec suite, en des ouvrages considérables pour leur étendue aussi bien que pour leur valeur, la méthode inaugurée par le génie entreprenant de Mme de Staël.

Aux yeux de Villemain, les lettres sont vraiment l’esprit humain lui-même. Il ne se borne pas à interpréter des règles, à goûter avec finesse des qualités de bien dire, ou