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Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/276

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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

humaine, mais, à proprement parler, l’âme du romantisme. Au drame lyrique devait succéder, dans la seconde partie du siècle, un nouveau théâtre en harmonie avec les tendances réalistes. Vingt ans après que le romantisme a triomphé, il paraît aussi vieux que le classicisme. Quelle que soit la différence des poétiques, Hernani a d’ailleurs plus de ressemblance avec le Cid qu’avec le Demi-Monde ou les Lionnes pauvres. Tragédie classique ou drame romantique, si l’on regarde par delà les formes et les procédés, c’est le même idéal de la vie humaine, aperçue dans une auréole de poésie et d’héroïsme. Le théâtre contemporain, lui, s’appliquera à bien saisir la réalité et à la reproduire fortement. Son domaine propre, c’est le train de l’existence courante, et son langage naturel, c’est la prose. Loin de chercher dans les âges lointains des événements et des figures extraordinaires, il s’en tient aux figures moyennes et aux événements les plus simples que lui offre la société du temps. Point de livrets d’opéra, mais des thèmes d’observation psychologique et d’anatomie sociale.

Même évolution dans le roman. Ce genre prend aussi de plus en plus le caractère positif et analytique que les ancêtres du réalisme lui avaient déjà imprimé, « Voir clair dans ce qui est », telle était la devise de Stendhal, et c’est aussi celle de l’école qui le regarde comme son premier maître. Le roman contemporain est une œuvre essentiellement documentaire. Il réduit le plus possible la part de l’invention ; il veut être une copie de la réalité. La première loi des réalistes est d’étouffer en leur moi toute prédilection qui pourrait nuire à l’autorité de leur œuvre. Ils ne nous montrent rien d’eux-mêmes, que la précision sévère de leur analyse. Le roman est pour eux un instrument d’enquête : ils font l’histoire naturelle de leur génération. Ils mettent toute leur force à ne pas intervenir. Ils peignent le bien sans lui témoigner aucune sympathie et le mal sans qu’il leur échappe aucune marque de réprobation. Leur but est de donner sur les hommes et les choses de leur temps des renseignements impartiaux. Faits comme personnages, ils