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Page:Penquer - À propos des arbres du Luxembourg, 1866.pdf/6

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On le dit, on le croit. Ah ! j’en frémis encore !
On dit qu’ils prendront tout : cette nuit, cette aurore,
Ces buissons qui faisaient aux amours des abris,
Ces rameaux entr’ouvrant leurs temples pour Cypris,
Ces branches qui servaient de frais refuge aux ailes,
Ces verts gazons brodant leurs tapis pour les belles,
Ces sentiers où toujours le rêve nous conduit
Cueillant la rime, fleur ! et le poëme, fruit !
On dit qu’ils vont briser brin à brin, paille à paille,
Ce réseau qui retient nos Muses dans sa maille.
Mais le réseau brisé, Muses, vous quitteriez
Ce Pandémonium où vous étoufferiez !
Vous iriez respirer dans la fraîcheur des plaines,
Dans l’arome des fleurs, dans les pures haleines !
Vous fuiriez la criée, où le rhythme se perd,
Et le café chantant, pour le divin concert !

On dit que les frêlons vont voler aux abeilles
Les roses dont avril enrichit ces corbeilles;
Qu’avides et vainqueurs, ils prendront pour toujours
Son miel à Chanaan et son myrte aux amours.
On dit qu’ils vont remplir quinconces et parterres,
Peupler ces oasis, calmes et solitaires,
Ou deux êtres divins, enfant et rossignol,
Chantent leur premier chant, tentent leur premier vol,
Et qu’ils vont, ravageant ces splendides allées,
Chasser de leur Eden les peuplades ailées…
— Est-ce qu’à ces élus, nés dans ce Paradis,
On peut dire : « Partez ! vous êtes des maudits ! »