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Page:Perey - Histoire d'une grande dame au XVIIIe siècle, La princesse Hélène de Ligne, 1888.djvu/131

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L’ABBAYE-AUX-BOIS.

yeux sur moi, et, me voyant en pleurs, elle comprit tout de suite que j’avais remarqué l’anxiété où elle était. Elle me tendit la main d’une manière fort expressive et lort touchante : « Mon cœur, qu’avez-vous ? » me dit-elle. Je baisai sa main et je fondis en larmes ; elle me questionna encore ; je lui avouai que l’agitation extrême où je l’avais vue m’avait fait naître l’idée qu’elle souffrait de quelque peine et que cela m’avait attendri à ce point-là. Alors, elle me serra dans ses bras et garda un moment le silence comme quelqu’un qui réfléchit à ce qu’il va dire, puis elle me dit : « Je suis née avec une imagination très vive et pour l’occuper je jette sur le papier tout ce qu’elle produit ; de là vient l’agitation avec laquelle vous me voyez écrire pendant plusieurs heures. Comme, dans le nombre de mes idées, il s’en trouve de sombres et de tristes, elles m’affectent quelquefois assez vivement pour me faire verser des larmes ; la solitude, la vie contemplative entretiennent en moi ce penchant à me livrer à mon imagination. » Le souper sonnait que nous parlions encore. Nous nous séparâmes à regret ; depuis ce temps, la tendresse de madame de Rochechouart pour moi redoubla encore, et rien n’égalait le tendre intérêt qu’elle m’inspirait. »