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Page:Pergaud - La Guerre des boutons, 1912.djvu/21

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la guerre des boutons


comme des ombres, craignant seulement l’apparition insolite d’une lanterne portée par un indigène se rendant à la veillée ou la présence d’un voyageur attardé menant boire son carcan. Mais rien ne les ennuya que l’aboi du chien de Jean des Gués, un salopiot qui gueulait continuellement.

Enfin ils parvinrent sur la place du moutier[1] et ils s’avancèrent sous les cloches.

Tout était désert et silencieux.

Lebrac resta seul pendant que les quatre autres revenaient en arrière pour faire le guet.

Alors prenant son bout de craie au fond de sa profonde, haussé sur ses orteils aussi haut que possible, Lebrac inscrivit sur le lourd panneau de chêne culotté et noirci qui fermait le saint lieu, cette inscription lapidaire qui devait faire scandale le lendemain, à l’heure de la messe, beaucoup plus par sa crudité héroïque et provocante que par son orthographe fantaisiste :

Tou lé Velrant çon dé paigne ku !

Et quand il se fut, pour ainsi dire, collé les quinquets sur le bois pour voir « si ça avait bien marqué », il revint près des quatre complices aux écoutes et, à voix basse et joyeusement, leur dit :

— Filons !

  1. Moutier, église.