Aller au contenu

Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
LES ÉGAREMENTS


lequel je ne pouvais prendre trop de précautions pour échapper à la vigilance de Rose. Je pris le parti de lui écrire, et de lui représenter de quelle conséquence il était pour moi qu’il se méfiât de ma femme de chambre, qui vraisemblablement ne le perdait point de vue, me remettant d’ailleurs à sa prudence sur les expédients nécessaires pour nous faciliter quelque entrevue. J’eus le bonheur de rencontrer en lui un caractère entièrement opposé à celui de Bellegrade ; car il joignait à un véritable attachement toute la probité possible : il ne négligea rien pour ensevelir notre commerce dans le secret ; il le rendit impénétrable, et ne se démentit par aucune étourderie. Il refusa même constamment quelques légères attentions de ma part, que mon aisance pouvait me permettre, et dont la seule idée parut le révolter. Il serait ennuyeux de détailler les mesures que nous prîmes pour jouir paisiblement et sans risque ; il me suffit de dire que nous choisissions ordinairement pour le temple de nos délices la maison de quelques gens publics, pour rendre nos démarches moins suspectes. Heureux temps, que tu m’as causé de regrets ! L’un me cultivait l’esprit, l’autre me cultivait le cœur : je n’en étais que plus amusante et plus vive. On ne savait point s’ennuyer avec moi ; un air de satisfaction répandu sur toute ma personne annonçait