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Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/150

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LES ÉGAREMENTS


laquelle il avait jusque-là vécu avec moi fut bientôt suivie d’inquiétudes et de soupçons vagues qui n’aboutirent à rien. Sa générosité ne me laissait rien à désirer, chaque jour il ajoutait à ses bienfaits : rien ne me manquait ; que pouvait-il penser ? Non que l’absence de Derval m’eût rendue inconsolable, mon défaut dominant ne fut jamais la constance ; mais enfin je sentais un vide qui me changeait totalement ; on ne me trouvait plus ce fonds de gaîté auquel on s’était accoutumé : je m’avisais de raisonner sensément ; je ne rencontrais plus aussi heureusement ces petites folies qui font le succès de la plupart des jolies femmes : je n’affectais plus de prendre le parti des ridicules à la mode ; je n’avais plus de grâce à médire, je suivais indifféremment le ton de la compagnie, sans chercher à le donner : ma conversation était devenue insipide par une uniformeté de sentiment, où il manquait le sel de la contrariété ; je ne variais par aucun de ces caprices amusants qui me rendaient toujours nouvelle. Quelque sensé que fût M. Démery, il aimait ces petits talents dans une maîtresse. Un raisonnement solide n’avait en moi de quoi lui plaire, qu’autant qu’il en tirait avantage pour excuser ses faiblesses. Il s’aperçut que je me livrais moins à ses caresses ; il en conçut un vrai chagrin, qu’il ne me témoigna