Aller au contenu

Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
LES ÉGAREMENTS


mois ensemble, pendant lesquels il trouva avec moi toutes les facilités qu’on peut désirer dans l’adversité : ma bourse lui fut toujours ouverte ; je ne négligeai ni soin, ni protection pour lui procurer une place, qui, dans sa situation, lui était d’une grande ressource. Quelle apparence pouvait-il y avoir qu’après tant d’obligations j’eusse quelque chose à craindre de sa part ? Ce fut cependant ce monstre d’ingratitude qui, supposant que j’avais quelque intelligence secrète avec des ennemis de l’État, m’exposa à des recherches dans lesquelles le hasard manqua de me perdre. Cet homme, ou plutôt ce frénétique, se fit un mérite, pour s’accréditer dans son poste, de me dénoncer, quoique son meilleur ami, comme suspect : je fus arrêté et conduit à la Bastille. On se saisit de mes papiers, sur lesquels ce traître avait jeté les yeux, et l’on y trouva la lettre d’un ami qui avait hasardé quelques plaisanteries. Je fus enfin prisonnier pendant trois ans, après lesquels on me remit en liberté.

Ce second trait me causa tant de chagrin, que je résolus de voyager pour me dissiper. J’allai à Londres, où deux mois après être arrivé j’essuyai un autre malheur, qui ne provint encore que de ma sensibilité. Me retirant un soir un peu tard, j’entendis à quelques pas de moi les cris d’un homme qui se mourait ; mon pre-