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Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/310

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LES ÉGAREMENTS


fréquenteraient : que son cœur enfin s’était oublié en donnant accès à d’autres sentiments qu’à ceux de la tristesse ; qu’il était étonnant que, se rendant justice comme il faisait, il n’eût pas la force de se garantir d’une passion dont il sentait tout le ridicule. Comment, me dit-il, définir le cœur humain ? Comment donc soumettre ses appétits à cette raison impérieuse, dont les lumières nous éclairent, sans avoir l’art de nous décider ? Comment, dans la juste distinction que je fais du mal résultant pour moi d’une action, ne puisai-je pas la facilité d’étouffer un désir, un penchant dont le combat intérieur équivaut le mal que je veux éviter ? Ma réponse fut aussi simple que sa déclaration : Je serais comblée, lui dis-je, que vous ne vous méprissiez pas à l’aveu que vous me faites. Je méprise avec vous l’art de feindre, si nécessaire avec les autres hommes : ma franchise ira jusqu’à vous avouer que l’unique désir qui me restait était de vous attacher à moi. Que pouvait-il m’arriver de plus heureux ? Ce n’est ni passion effrénée, ni effet du tempérament ; quelque chose de plus délicat me motive, c’est un goût fondé sur l’estime la plus sincère, l’amitié la plus intime et la reconnaissance la plus vive.

Si cette façon d’aimer n’a pas les mouvements impétueux d’une ardeur déréglée, elle en est dédommagée par une solidité, un calme inalté-