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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/124

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entre la france et l’angleterre.


conduites à la victoire en Guyenne et en Bretagne. Initié de bonne heure aux affaires de l’État, il avoit pu acquérir cette connoissance des hommes, qui est si nécessaire pour gouverner ; les fautes de son père, suivies de si grands désastres, lui servoient de leçon. Il lui étoit facile de ramener les grands que les rigueurs et les actes arbitraires du dernier règne avoient irrités, mais qui, malgré leur mécontentement, avoient en général fermé l’oreille aux propositions séduisantes d’Édouard. Il sembloit appelé à réparer les maux de la France, il ne fit que les aggraver. Les premiers actes de son autorité lui aliénèrent tous les cœurs. À peine étoit-il couronné, que le connétable comte d’Eu, que nous avons vu se rendre prisonnier en 1346, après avoir si mal défendu la ville de Caen, vint à Paris pour y traiter de sa rançon. Jean fait arrêter le comte, qui est décapité au bout de trois jours sans aucune forme de jugement. Ce fut en vain qu’on répandit le bruit, qu’avant de mourir, il avoit confessé sa trahison devant plusieurs grands du royaume. Le peuple et les seigneurs oublièrent la conduite qu’il avoit tenue en Normandie, rejetèrent les soupçons d’intelligence avec l’Angleterre, soupçons d’autant plus fondés, qu’il avoit reçu des présens considérables d’Édouard, et que la ville de Guines, petite place forte qui lui appartenoit dans le voisinage de Calais, étoit le prix convenu de sa rançon. Comme toutes les formes de la justice avoient été violées à son égard, il fut jugé innocent ; on ne vit en lui qu’une victime sacrifiée à l’avidité d’un favori. La première dignité du royaume n’ayant pu le soustraire aux coups du pouvoir absolu, tous les ordres de l’État ne songèrent plus qu’à