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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/192

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SUR DU GUESCLIN.

railles et luy donner beau jeu pour les défaire, il leur devoit presenter quelque amorce qui les attirât au dehors. Il s’avisa de faire approcher de Rennes grand nombre de pourceaux, s’imaginant que la famine qui les pressoit leur feroit exposer leur vie, dans la veüe de faire un butin qui leur donneroit de quoy la soutenir longtemps, en attendant qu’il leur vint quelque secours de Charles de Blois.

Mais le gouverneur[1], bien loin de donner dans ce piege, en sçut tirer un fort grand avantage, en profitant de la proye que le Duc luy présentoit. Il s’avisa de faire attacher à la porte de Rennes une truye la tête en bas et les pieds en haut, qui, se tourmentant et se démenant dans cette situation renversée, fit de grands cris et de grands efforts pour se détacher ; mais, n’en pouvant venir à bout, elle fît tant de bruit, que les porcs coururent en foule de ce côté-là. Quand les assiégez s’apperçurent que la troupe grossissoit auprès des fossez, ils abbatirent le pont levis et coupèrent la corde qui tenoit la Iruye suspendue, qui se voyant en liberté rentra dans la ville criant toujours. Elle y fut aussitôt suivie par tout le troupeau, qui ne manqua point, par une sympathie naturelle, de se ranger tout autour d’elle. Les assiégez releverent aussitôt le pont, et se présentèrent aux crenaux des murailles pour faire des huées contre les Anglois, disant qu’ils alloient faire grand chère à leurs dépens, et qu’ils remercioient le duc de Lancastre de leur avoir donné

  1. Du Chastelet (p. 20) attribue cette ruse à Bertrand Du Guesclin, et la place après son entrée dans la ville de Rennes : il paroît que cet historien a confondu les époques, car tous les mémoires sur la vie de Du Guesclin, contredisent formellement son récit.