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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/197

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ANCIENS MÉMOIRES


Bertrand ne s’entêta point de toutes ces louanges : et comme au travers de sa bravoure et de toute son humeur guerrière il conservoit toujours un esprit d’équité, ce genereux capitaine envoya quérir les chartiers qu’il avoit forcé de mener le convoy du camp dans la ville, et leur demanda si les denrées dont leurs charrettes étoient chargées leur appartenoient en propre, et sur le serment qu’il leur en fit faire, il leur donna sa parole qu’ils seroient dédommagez de tout, et leur ayant fait compter leur argent sur l’heure, il leur commanda de retourner au camp des Anglois, et de dire de sa part au duc de Lancastre qu’ayant à présent des vivres et des munitions pour longtemps, il defendroit la place jusqu’au dernier soûpir de sa vie : mais il leur recommanda[1] sur tout de ne plus à l’avenir charier de vivres au camp des Anglois, ajoûtant que s’ils étoient assez hardis pour entreprendre de le faire une seconde fois, il n’y auroit aucun quartier pour eux.

Cependant le duc de Lancastre étant de retour de son équipée, fut bien consterné quand il apprit l’expédition que Bertrand avoit faite dans Rennes avec le convoy qu’il venoit d’enlever aux Anglois. Il donna

  1. « Adonc, leur dist Bertran, seigneurs, or entendez, ja n’y perdrez qui vaille un seul denier, ne cheval, ne jument aussi. Mais serez paiez de ce que vos denrées vous ont cousté, puis vous en retournerez en l’ost. Car je le vous commande ainsi. Et me recommandez au duc de Lenclastre, et lui dites, que je me suis mis ceans à garant et que nous avons des biens assez pour vivre, au plaisir de Dieu, tant que secours nous soit venu. Et vous deffens aussi à trestous, que en l’ost vous ne revenez jamais en vostre vie. Et se je vous y truys, vous me lairrez ce que vous emporterez, et se perdrez la vie. » (Ménard, p. 31).