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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/207

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ANCIENS MÉMOIRES

par un coup de lance si violent, qu’il perça la cuirasse de son adversaire et pénétra même le coton de son pourpoint, si bien que peu s’en falut qu’il n’allât jusqu’à la chair.

Brambroc, indigné de cette première disgrâce qu’il venoit d’essuyer, en voulut réparer l’affront en déchargeant un coup de sabre avec tant de force et de furie sur la tête de son ennemy, que le fer entra bien avant dans le casque de Bertrand, qui, se tenant ferme sur ses étriers, ne fut aucunement ébranlé de la rude atteinte qu’il venoit de recevoir. Enfin, après avoir bien chamaillé l’un contre l’autre avec un succès égal, Bertrand fit un dernier effort, et ramassant tout ce qu’il avoit de vigueur et de force, remporta la gloire de la lice et de la carrière, en portant un coup à son ennemy, qui, non seulement luy perça la chair, mais le coucha par terre sur le sable, et, sans la considération du Duc, pour lequel il protestoit d’avoir les derniers égards, il l’auroit achevé ; mais il se contenta de se saisir de son cheval, pour marque de la victoire qu’il avoit remportée, criant tout haut qu’il n’étoit sorti de Rennes qu’avec un cheval, et qu’il s’en retournoit avec deux. Le Duc, qui fut le témoin de la bravoure de Guesclin, l’en félicita par l’organe d’un de ses hérauts, et luy fit dire qu’il pouroit reprendre le chemin de Rennes en toute sûreté, sans appréhender qu’on luy fît aucune insulte sur sa route. Bertrand reçut ce compliment avec tant de générosité, qu’il donna de fort bonne grâce à ce même héraut le cheval qu’il venoit de gagner dans ce dernier combat. Cette honnêteté ne luy attira pas seulement la réputation d’un brave chevalier, mais