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ANCIENS MÉMOIRES

au travers des ouvertures dont elle étoit percée. Cette tour étoit fort meurtriere ; Bertrand s’avisa d’un stratagème pour en rendre les efforts inutiles : il se mit à la tête des plus braves de sa garnison pour faire une sortie sur les Anglois. Il passa sur le ventre à tout ce qui se présenta pour luy résister, et s’étant ouvert le passage à grands coups de sabre jusqu’à cette tour, il y mit le feu malgré les assiegeans ; la flamme avoit tant d’activité qu’il n’étoit pas possible de l’éteindre, parce que c’étoit un feu grégeois, que l’eau même ne peut pas empêcher de brûler. Comme la matiere de la machine étoit combustible, la flamme gagna bientôt les hauteurs de la tour, dont la charpente venant à crouler fit tomber les Anglois quelle renfermoit, à demy brûlez et étouffez. C’étoit un fort pitoyable spectacle de les voir sauter de haut en bas les uns sur les autres au travers des flammes, qui recevans toujours un nouvel aliment, faisoient un fracas d’autant plus horrible ; si bien que toute la machine venant à se déboiter fit une chute qui étonna tous ses spectateurs.

Bertrand ayant fait une si grande exécution, fit une retraite aussi glorieuse que l’avoit été sa sortie, car il rentra dans la ville à la tête de ses Bretons, se faisant jour au travers de tous les assiegeans qui le vouloient envelopper. Le duc de Lancastre, dont toutes les ressources étoient épuisées, étoit au desespoir d’avoir jusqu’à lors si peu reüssy dans le siège qu’il avoit entrepris ; la famine ne travailloit pas moins son camp que la ville ; la saison s’avançoit, et cependant il n’avoit encore fait aucun progrès considerable. Il eût bien voulu lever le piquet de devant