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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/24

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SUR LES MÉMOIRES DE DU GUESCLIN

rapport ni avec l’esprit du temps, ni avec le caractère des personnages ; tantôt sa narration est interrompue par des descriptions qui appartiennent plus au roman qu’à l’histoire, tantôt par des digressions étrangères au sujet, tantôt par des réflexions deplacées, par un étalage fatigant d’érudition, par des comparaisons forcées de son héros avec les héros de l’antiquité, ou par des rapprochemens si bizarres, qu’on a peine à concevoir comment ils ont pu se présenter à l’esprit de l’auteur.

Il faut remarquer en outre que Du Chastelet a souvent assigné des dates positives à divers événemens de la vie de Du Guescliti, quoique les anciennes chroniques ne donnent pas même les plus légères indications à cet égard ; qu’il a, de sa propre autorité, classé les faits dans un autre ordre que celui qui avoit été adopté par ses prédécesseurs, et que lorsqu’il manque de détails sur un fait particulier, cela ne l’empêche pas d’en décrire toutes les circonstances, en donnant un libre cours à son imagination. Son histoire, peu intéressante sous beaucoup de rapports, a ainsi l’inconvénient de donner des notions fausses sur les hommes et sur les choses. On ne peut nier qu’il n’ait, comme il le dit lui-même, fouillé dans les livres et dans les cabinets des gens d’étude, et dans les trésors publics ; mais une critique judicieuse n’a point présidé à son travail, et en sa qualité d’historien, il a eu le double tort de répéter des traditions fabuleuses, et de vouloir suppléer au silence des chroniques. Il est fort difficile de distinguer chez lui le vrai du faux, parce qu’il dénature les événemens, et qu’il n’indique pas les sources où il a puisé.