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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/305

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ANCIENS MÉMOIRES

ce combat se rencontra juste, comme elle l’avoit predit et preveu. Charles de Blois en porta toute la fatalité ; car après avoir résisté longtemps, il fut environné de tant de gens qui s’acharnerent à le tuer, qu’il y eut un anglois qui luy fit passer sa dague d’outre en outre, depuis la Louche jusqu’au derriere du cou, si bien que l’acier sortoit d’un demy pied par delà. Ce prince se sentant mortellement blessé[1], tomba tout aussitôt à terre, et ne songeant plus qu’à mourir dans la grâce de Dieu, battit sa poitrine, et levant les yeux et les mains du côté du ciel, il le prit à témoin de son innocence, protestant qu’il n’avoit entrepris cette guerre qu’à la sollicitation de sa femme, qui l’avoit assûré que son droit étoit incontestable, et le pria sur l’heure de luy pardonner la mort de tant d’honnêtes gens, qui avoient bien voulu sacrifier leur vie pour la prétendue justice de sa cause.

On ne luy donna pas le loisir d’en dire davantage ; car il fut percé de tant de coups qu’il expira là sur le champ. Bertrand fut si touché de cette mort, dont on luy vint porter la nouvelle[2], que la douleur ne

  1. Quant Charles de Blois senty le cop, il s’estendi à terre, bati sa coulpe, et se commanda à Dieu, en disant : « Vraiz Dieu, pardonnez moy la mort des bonnes gens qui cy meurent pour moy. J’ay guerrié long temps oultre ma voulentë, et par l’ennortement de ma femme, qui tousjours m’a donné a entendre que j’avoie tres-bon droit. » (Ménard, p. 148.)
  2. Les faits sont rapportés différemment par l’ancien historien de Du Guesclin (p. 148) : « Tantost l’en alla dire à Bertran la mort dudit Charles ; et quant il le soi, il le plaint moult, en disant que le plus prudomme qui au siècle fust, et que malgré sien et à force il avoit guerrié. Lors dist Bertrand qu’il ne prisoit rien en sa vie, et