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SUR DU GUESCLIN.

tous ses sujets, qui ne pouvoient voir sans indignation toutes les cruautez qu’il exerçoit contr’elle, étant une dame dont la douceur, la naissance et la beauté devoient être les trois liens les plus capables de l’attacher étroitement à elle. Mais l’amour ardente qu’il avoit pour Marie de Padille, qui l’avoit enchanté par un philtre qu’elle luy fit prendre, étoufa dans son cœur tous les mouvemens de tendresse qu’il devoit naturellement avoir pour une reine si accomplie. Cette concubine s’étoit aquise un si grand ascendant sur son esprit qu’elle le gouvernoit absolument et luy faisoit faire mille outrages à sa propre femme, qu’elle regardoit comme sa rivale. L’autre injustice que l’on reprochoit à ce roy, c’est qu’il n’entretenoit aucun commerce avec les Chrétiens, dont les mœurs et la religion luy deplaisoient extrêmement.

Jes Juifs étoient les seuls confidens de tous ses secrets ; il leur donnoit toute son oreille et leur faisoit part de tout ce qu’il avoit de plus caché dans le cœur. Il gardoit à l’égard de tous les autres une dissimulation profonde, se rendant non seulement impenetrable à tous les seigneurs de sa cour, ausquels il ne pouvoit pas refuser son accès, mais encore impraticable sur les affaires qu’on ne pouvoit pas se defendre de luy communiquer à cause de l’eminence de son caractere et de l’autorité royale qu’il avoit dans les mains. Ses plus proches parens mêmes ne pouvoient avoir la clef de son cœur, tant il leur faisoit mystère de tout. Cette surprenante conduite aliena tous les esprits et luy attira l’aversion de tous ses sujets, qui ne souhaitoient qu’une revolution, dans l’esperance de voir changer les affaires d’assiette. Ce