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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/319

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ANCIENS MÉMOIRES

chât, et fit aussitôt apporter de l’eau chaude pour se laver la bouche et le visage, et netoyer, pour ainsi dire, les taches que le baiser du Juif y avoit laisse. Son indignation n’en demeura pas là ; car comme elle étoit sa souveraine, elle voulut punir du dernier supplice la témerité qu’il avoit eüe de s’émanciper de la sorte ; et dans la première saillie de sa colère elle le voulut faire pendre. Le juif étant averty qu’il avoit été condamné par la Reine, et qu’on le cherchoit pour l’attacher au gibet par ses ordres, il prit aussitôt la fuite et vint à toute jambe se plaindre au roy Pierre du dessein que Blanche avoit de le faire mourir, luy faisant un crime capital d’un devoir de ceremonie dont il avoit pris la liberté de s’aquiter. Le Roy le reçut sous sa protection, luy commandant de ne craindre rien là dessus, et disant qu’il s’appercevoit bien que cette princesse ayant de la haine et de l’aversion pour toutes les personnes qu’il consideroit, ne se feroit pas de scrupule d’entreprendre aussi sur sa propre vie, quand elle en trouveroit l’occasion ; qu’il la falloit donc prevenir ; mais qu’il seroit bien aise de s’en défaire par des voyes secrettes pour sauver les apparences, et sans donner aucune prise sur luy.

Le juif qui brûloit du désir de se venger, l’assura qu’il n’étoit rien de plus aisé que de l’expédier sans qu’il parût sur son corps aucun coup ny blessure. Pierre goûta fort cet expedient, et déclara que celuy qui luy tiroroil cette épine du pied, luy rendroit un fort grand service. Il permit donc au juif d’exécuter l’affaire de même qu’il l’avoit projettée sans faire aucun éclat. Ce vindicatif qui mouroit d’envie d’assouvir son ressentiment contre cette princesse, fut ravy