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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/336

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SUR DU GUESCLIN.

tout ce qu’ils rencontroient, sans en rien excepter. Ce fut pour lors[1] qu’il vit bien qu’il étoit de la derniere importance de sacrifier au plûtôt quelque chose pour contenter l’avidité de ces oiseaux de proye, qui ne se plaisoient qu’à vivre de rapines et de larcins. Il fit donc appeller ceux qu’il avoit commis pour faire contribuer chacun des bourgeois à fournir la cotte part à laquelle il étoit taxe.

Le Saint Pere sçachant que la somme avoit été levée toute entiere, donna l’ordre à son secrétaire de l’aller incessamment compter à Bertrand, et de luy mettre entre les mains la bulle d’absolution pour toute l’armée, signée de sa propre main, scellée de son grand sceau, et si bien conditionnée, qu’il ne laissoit rien à desirer à ceux en faveur desquels il l’avoit accordée. Bertrand qui, naturellement, étoit ennemy de toutes les griveleries, ayant appris[2] que le Pape, pour faire cette somme, avoit foüillé dans les coffres des autres, et n’avoit rien tiré des siens, fit une forte

  1. « Haa ! Dieu, ce dist le Pape, comment ceste gent ouvrent de mal en pis, et se donnent de poine pour aler en enfer ! » (Ménard, p. 177.)
  2. Bertran demanda au prevost du Pape : « Dictes moi, frère, et ne me le celez pas. Dont vient ce trésor ? l’a prins le Pape en son trésor ? » Et il lui respondi que non, et que le commun d’Avignon l’avoit paié, chacun sa porcion. Lors dist Bertran : « Prevost, je vous promets que nous n’en aurons denier en nostre vie, se il ne vient de l’argent du Pape, et de son riche clergié. Et voulons, que cet argent cueilly soit rendu à ceulx qui l’ont paie, sans ce que riens perdent du leur. Et dites bien au Pape, qu’il le leur fasse rendre. Car se je savoye que le contraire fust, il m’en peseroit. Et eusse ores passée la mer, si retourneroy-je par deçà. » Adonc fu Bertran payé de l’argent du Pape, et ses gens de rechief absous, et ladite absolucion premiere de rechief confirmée. (Ménard, p. 178.)