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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/365

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ANCIENS MÉMOIRES

cés, qu’ils avoient intention de pousser jusqu’au bout en faveur d’Henry. Tandis que tous ces seigneurs étoient touchez de ces nobles sentimens, et s’excitoient les uns les autres à perseverer dans leur entreprise, il partit secrettement un espion de la ville de Burgos, qui fut à toute jambe à Tolède pour avertir Pierre de tout ce qui venoit de se passer à son prejudice.

Ce prince avoit en sa compagnie plusieurs juifs avec lesquels il s’entretenoit sur le présent état de ses affaires, qu’il comprit être bien plus déplorable qu’il ne pensoit par le triste rapport que cet espion luy fit en leur présence de la reddition, ou plûtôt de la defection de Burgos et du couronnement de ses ennemis dans cette grande ville. La douleur que Pierre conçut d’une si funeste nouvelle, luy fit dire qu’il s’appercevoit bien que la prophetie s’accompliroit bientôt à ses propres dépens, et que Bertrand, designé par l’aigle, alloit faire une proye de tous ses États. Le comte de Castres[1], son intime amy, le plaignit beaucoup, voyant que toutes ses affaires se décousoient ainsi ; quand un juif, nommé David, qui se piquoit d’astronomie, tâcha de luy remettre l’esprit en lui disant qu’il avoit étudié son étoile, et qu’il auroit le même sort que Nabuchodonosor ; qu’il étoit bien vray qu’on le feroit descendre du trône ; mais qu’il y remonteroit ensuite avec plus de gloire ; qu’il avoit appris par l’inspection des astres, que l’aigle qui le devoit dépoüiller seroit pris à son tour par le vol d’un faucon qui viendroit d’outremer pour le secourir. Ce pronostique fut littéralement accomply dans la suite.

  1. Fernand de Castro, seigneur espagnol qui ne l’abandonna point dans ses malheurs.