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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/396

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SUR DU GUESCLIN.

chant qu’il paroissoit bien qu’il avoit fait un parjure par le public desaveu qu’il venoit de faire, qu’il eût trempé dans la mort de la Reine, et que Dieu découvroit assez son mensonge par la disgrâce qui venoit de ]uy arriver. Après s’être bien chamaillez, ils se colletèrent avec tant d’acharnement et d’opiniâtreté que le roy Henry, se tournant du côté de Bertrand et de tous les autres spectateurs, ne put s’empêcher de leur témoigner qu’il admiroit la force et le courage de ces deux coquins, qui ne pouvoient lâcher prise et se tenoient tous deux par le corps à force de bras sans reprendre haleine, et sans que l’un ny l’autre voulut ceder à son adversaire. Mais tandis qu’ils étoient ainsi colez l’un à l’autre, le ciel voulut, par un miracle, faire une justice exemplaire de ces meurtriers. Tous les spectateurs furent bien surpris de voir une épaisse nuée s’étendre dans l’air sur leurs têtes, au travers de laquelle il sortoit des éclairs accompagnez d’un tonnerre qui, faisant un bruit et un fracas horrible, fendit enfin la nue pour lancer sa flamme et son carreau sur ces deux criminels, qui furent brûlez jusqu’aux os à la veüe de tant de personnes que ce feu voulut épargner, comme s’il eût sçu discerner les innocens d’avec les coupables.

Ce châtiment tout visible de la main de Dieu jetta tant de frayeur dans l’ame de ceux qui le virent, que chacun s’en retourna chez soy tout consterné d’une si terrible avanture. On se disoit l’un à l’autre que la Providence n’attendoit pas toujours à punir les hommes en l’autre vie, puisque dés celle-cy, le doigt de Dieu s’étoit fait connoître à l’égard de ces deux détestables Juifs, qui ne meritoient plus de voir le jour, après