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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/400

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SUR DU GUESCLIN.

et comme il avoit été poussé du trône par les armes de Bertrand et beaucoup de chevaliers anglois qui s’étoient fait un merite de luy arracher le sceptre de gayeté de cœur, pour le mettre dans les mains d’un bâtard qui n’avoit aucun droit à la couronne. Il ajouta qu’il avoit été contraint de passer la mer pour venir implorer le secours du plus généreux prince du monde, espérant qu’il ne l’abandonneroit point dans une si grande decadence de ses affaires. Chandos essaya de luy remettre l’esprit en luy faisant part des avances qu’il avoit déjà faites en sa faveur, et des bonnes intentions dans lesquelles il avoit laissé son maître pour luy. Ces assurances calmerent un peu le chagrin de Pierre, que Chandos mena par la main dans les appartemens du prince de Galles, qui, n’attendant pas qu’il vint jusqu’à luy, le voulut prevenir en faisant la moitié du chemin. Cet infortuné Roy luy fit une profonde reverence, faisant voir dans son visage et dans tous ses airs une grande consternation. Ce premier silence fut suivy du triste discours qu’il luy fit de toutes ses disgraces, luy disant qu’un bâtard s’étoit rendu l’usurpateur de tous ses États, contre tout droit et justice, appuyé par les armes d’un avanturier breton qu’on nommoit Bertrand Du Guesclin, et par celles de beaucoup de chevaliers anglois qui s’étoient telement acharnez à sa ruine, qu’ils l’avoient réduit au pitoyable état dans lequel il le voyoit, expatrié, chassé de son trône, trahy par ses sujets et banny de son propre royaume par la violence et par l’injustice ; qu’il esperoit donc qu’un si grand et si genereux prince comme luy, seroit touché de l’infortune des souverains en sa personne, et qu’il employeroit ses armes, ses forces et sa valeur