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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/470

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SUR DU GUESCLIN.

étoit d’autant plus grande que, n’ayans pu trouver dans leur païs dequoy se racheter, ils étoient obligez de retourner en prison dans Bordeaux, de peur de violer le serment qu’ils avoient fait de se remettre dans les mains de leur geolier, s’ils ne payoient pas leur rançon ; que bien loin d’avoir des sommes suffisantes pour recouvrer leur liberté, ils n’avoient pas même dequoy payer leurs hôtes sur les chemins, et que celuy-cy les avoit bien voulu recevoir et nourrir pour rien pour l’amour de luy, sur ce qu’ils avoient seulement prononcé son nom, leur ayant dit qu’il vendroit volontiers sa maison, ses meubles et ses bestiaux pour le racheter.

Bertrand, voyant le bon cœur de cet homme, qu’il ne connoissoit point, ne se contenta pas de l’embrasser, mais il voulut aussi s’asseoir à la table et manger avec eux, et leur commanda de ne se point lever ny de faire aucune façon, puis qu’ils étoient ses camarades, et qu’il vouloit les tirer de la peine où ils étoient en leur donnant dequoy se racheter ; et quand il leur eut fait raconter touttes leurs avantures, il leur demanda quelle somme il leur falloit à tous pour payer leur rançon. Ils luy dirent, après avoir entr’eux supputé le tout, que cela pouroit bien monter à quatre mille livres. « Ce n’est pas une affaire, leur repondit-il, je vous donneray de plus deux autres mille livres pour vous remonter, vous équiper et vous defrayer sur les chemins, et ce bon hôte, qui vous à si bien régalé pour l’amour de moy, merite que je reconnoisse son affection. » Là dessus il fit appeller son valet de chambre, et luy commanda de donner mille livres au cabaretier qui avoit témoigné