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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/130

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commencement de cette année, un commandement à tous ces gens-là de sortir d’Espagne, avec leurs femmes et leurs enfans, dans trente jours pour tout délai, pendant lesquels il leur étoit permis de vendre tous leurs meubles, et en emporter avec eux le prix, non en argent, mais en marchandises du pays non défendues, tous leurs immeubles demeurant confisqués au Roi et réunis à son domaine.

Ceux qui étoient près de la marine s’embarquèrent pour passer en Barbarie, et, pour ce sujet, tous les vaisseaux étrangers qui étoient dans leurs ports furent arrêtés ; les autres prirent le chemin de la frontière de la France pour passer par les États du Roi.

Il est impossible de représenter la pitié que faisoit ce pauvre peuple, dépouillé de tous ses biens, banni du pays de sa naissance : ceux qui étoient chrétiens, qui n’étoient pas en petit nombre, étoient encore dignes d’une plus grande compassion, pour être envoyés comme les autres en Barbarie, où ils ne pouvoient qu’être en péril évident de reprendre contre leur gré la religion mahométane.

On voyoit les femmes, avec leurs enfans à la mamelle, les chapelets en leur main, qui fondoient en larmes et s’arrachoient les cheveux de désespoir de leurs misères, et appeler Jésus-Christ et la Vierge, qu’on les contraignoit d’abandonner, à leur aide.

Le duc de Medina, amiral de la côte d’Andalousie, donna avis au conseil d’Espagne de cette déplorable désolation : mais il recut un nouveau commandement de n’épargner âge, sexe, ni condition, la raison d’État contraignant à faire pâtir les bons pour les méchans : ce qui obligea le duc à obéir contre son gré, disant