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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/226

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LIVRE V.


[1614] Les présens que la Reine fit aux grands au commencement de sa régence, par le conseil du président Jeannin, étourdirent la grosse faim de leur avarice et de leur ambition, mais elle ne fut pas pour cela éteinte ; il falloit toujours faire de même si on les vouloit contenter : de continuer à leur faire des gratifications semblables à celles qu’ils avoient reçues, c’étoit chose impossible, l’épargne et les coffres de la Bastille étoient épuisés ; et quand on l’eût pu faire, encore n’eût-il pas été suffisant, d’autant que les premiers dons immenses qui leur avoient été faits les ayant élevés en plus de richesses et d’honneurs qu’ils n’eussent osé se promettre, ce qui du commencement eût été le comble de ce qu’ils pouvoient désirer leur sembloit maintenant petit, et ils aspiroient à choses si grandes, que l’autorité royale ne pouvoit souffrir qu’on leur donnât le surcroît de puissance qu’ils demandoient. Ce qui étoit le pis, c’est que la pudeur de manquer au respect dû à la majesté sacrée du prince étoit évanouie. Il ne se parloit plus que de se vendre au Roi le plus chèrement que l’on pouvoit, et ce n’étoit pas de merveille ; car si, à grande peine, on peut par tous moyens honnêtes retenir la modestie et sincérité entre les hommes, comment le pourroit-on faire au milieu de l’émulation des vices, et la porte ayant été si publiquement ouverte aux corruptions, qu’il sembloit qu’on fit le plus d’estime de ceux qui prostituoient leur fidélité à