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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/393

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l’audace qu’il avoit conçue en celui auquel il étoit auparavant, et les pernicieux desseins qu’avoient ceux de son parti ; et toutes ces paroles ensemble montroient les diverses passions qui agitent l’esprit des grands, quand ils se voient réduits en une extrémité à laquelle ils ne s’étoient pas attendus, et le peu de générosité qu’ont en leur adversité ceux qui n’ont pas eu la force de se contenir, quand ils ont été en meilleure fortune.

Le même jour qu’il fut pris, les sieurs du Vair, garde des sceaux, Villeroy et le président Jeannin, vinrent trouver la Reine, où se trouva M. de Sully, et lui dirent que les choses étoient en telle extrémité, que l’État s’en alloit perdu si elle ne faisoit relâcher M. le prince ; soit qu’ils en parlassent ainsi par inexpérience, comme le sieur du Vair, ou par timidité naturelle de leur esprit, comme le sieur de Villeroy, qui avoit toujours gouverné de sorte que, cédant aux orages, il s’étoit laissé plutôt conduire aux affaires qu’il ne les avoit conduites, ou pour ce qu’ils affectionnoient les princes, comme le président Jeannin, qui espéroit toujours bien d’un chacun, et croyoit qu’il pouvoit être ramené à son devoir. M. de Sully, violent et peu considéré, le feu de l’esprit duquel ne s’appliquoit qu’au présent, sans rappeler le passé, ni considérer de bien loin l’avenir, ajouta à ce que les autres avoient dit, que quiconque avoit donné ce mauvais conseil à la Reine avoit perdu l’État. La Reine, animée de se voir reprise d’une chose qu’elle avoit résolue et exécutée après une si mûre délibération, lui répondit qu’elle s’étonnoit qu’il lui osât parler ainsi, et qu’il falloit bien qu’il eût perdu