Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoit été enterré sans cérémonie sous les orgues de Saint-Germain-l’Auxerrois, fut déterré par la populace, et, avec grands cris et paroles insolentes, traîné jusque sur le Pont-Neuf, et pendu par les pieds à une potence qu’il y avoit fait planter pour faire peur à ceux qui parloient mal de lui. Là ils lui coupèrent le nez, les oreilles et les parties honteuses, et jetèrent les entrailles dans l’eau, et faisoient à ce cadavre toutes les indignités qui se pouvoient imaginer. À même temps je passai par là pour aller voir M. le nonce, qui étoit lors le seigneur Ubaldin, et ne me trouvai pas en une petite peine ; car, passant par-dessus le Pont-Neuf, je trouvai le peuple assemblé qui avoit traîné par la ville quelque partie de son corps, et qui s’étoit laissé emporter à de grands excès d’insolence devant la statue du feu Roi. Le Pont-Neuf étoit si plein de cette populace, et cette foule si attentive à ce qu’ils faisoient, et si enivrés de leur fureur, qu’il n’y avoit pas moyen de leur faire faire place pour le passage des carrosses. Les cochers étant peu discrets, le mien en choqua quelqu’un qui commença à vouloir émouvoir noise sur ce sujet ; au même instant je reconnus le péril où j’étois, en ce que si quelqu’un eût crié que j’étois un des partisans du maréchal d’Ancre, leur rage étoit capable de les porter aussi bien contre ceux qui, aimant sa personne, avoient improuvé sa conduite, comme s’ils l’eussent autorisée.

Pour me tirer de ce mauvais pas, je leur demandai, après avoir menacé mon cocher extraordinairement, ce qu’ils faisoient ; et m’ayant répondu selon leur passion contre le maréchal d’Ancre, je leur dis : « Voilà des gens qui mourroient au service du Roi ; criez tous