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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/494

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jusqu’à la fin, tant elle ressentit parfaitement véritable cette parole de l’Écriture, que l’affliction est le plus salutaire remède de l’esprit. Mais à ce point, qui fut la catastrophe de toute sa mauvaise fortune, une grâce si particulière de Dieu lui fut donnée, que, surmontant l’impression naturelle de l’impatience qu’elle avoit eue toute sa vie, elle se montra d’un courage aussi constant et ferme comme si la mort lui eût été une récompense agréable, et que la vie lui eût tenu lieu d’un supplice cruel.

Sortant de sa prison, et voyant une grande multitude de peuple qui étoit amassé pour la voir passer : « Que de personnes, dit-elle, sont assemblées pour « voir passer une pauvre affligée ! » Et à quelque temps de là, voyant quelqu’un auquel elle avoit fait un mauvais office auprès de la Reine, elle lui en demanda pardon, tant la véritable et humble honte qu’elle avoit devant Dieu de l’avoir offensé, lui ôtoit parfaitement celle des hommes. Aussi y eut-il un si merveilleux effet de bénédiction de Dieu envers elle, que, par un subit changement, tous ceux qui assistèrent au triste spectacle de sa mort devinrent tout autres hommes, noyèrent leurs yeux de larmes de pitié de cette désolée, au lieu d’assouvir leurs cœurs de son supplice qu’ils avoient tant désiré ; et au lieu qu’ils étoient accourus pour la voir comme une lionne, qui après avoir fait beaucoup de carnage étoit prise dans les rets, et prête à subir la vengeance des maux qu’elle avoit faits, elle leur parut comme une brebis qu’on menoit à la boucherie, et l’eussent voulu racheter de leur propre sang. Madame de Nevers même, qui, pour son courage hautain et pour s’être vue, elle et son