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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/504

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Toutes ces traverses, et domestiques avec son mari, dont les désirs étoient si contraires aux siens, et publiques, donnèrent une telle atteinte à son corps qu’il en perdit toute santé, et à son esprit qu’il s’en troubla en quelque façon : de sorte qu’elle se mit en imagination que tous ceux qui la regardoient l’avoient ensorcelée ; dont elle devint si chagrine, que non-seulement elle se tiroit de la conversation de tout le monde, mais même elle ne voyoit quasi plus sa bonne maîtresse ; et quand elle la voyoit ce n’étoit que paroles d’injures, l’appelant despietata, ingrata, et quand elle parloit d’elle, l’épithète ordinaire qu’elle lui donnoit étoit celle de balourde.

L’opinion qu’elle eut que son mari eût voulu être défait d’elle, et pensoit déjà à une nouvelle épouse, jetant les yeux sur mademoiselle de Vendôme, n’apportoit pas peu de coup à tous les troubles de son esprit. Il dissimuloit néanmoins du commencement avec elle le mieux qu’il lui étoit possible, ne la voyant que les soirs seulement, faisant ses visites de peu de durée, lui apportant toujours quelque petit présent, et permettant même, à ce que l’on disoit, qu’un seigneur Andrea, napolitain, qui étoit à lui, demeurât avec elle pour la réjouir de la musique de sa voix et de ses instrumens. Mais enfin il cessa de la voir plus, que fort rarement, lorsque tant de fâcheuses humeurs de sa femme lui donnèrent lieu de prendre crédit de soi-même en l’esprit de la Reine ; dont elle pensa désespérer, et vint à tel point de fureur vers lui et lui vers elle, qu’ils ne se parloient plus qu’avec des imprécations mutuelles : pronostics secrets du malheur prochain qui leur devoit arriver.