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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/106

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MÉMOIRES

voyois ni proches ni certaines, je résolus de me signaler dans ma profession, et de toutes les manières. Je commençai par une très-grande retraite ; j’étudiois presque tout le jour, je ne voyois que fort peu de monde, je n’avois presque plus d’habitude avec toutes les femmes, hors madame de Guémené[1].

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le diable avoit apparu justement quinze jours avant cette aventure à madame la princesse de Guémené, et il lui apparoissoit souvent, évoqué par les conjurations de M. d’Andilly[2], qui le forçoit, je crois, de faire peur à sa dévote, de laquelle il étoit encore plus amoureux que moi, mais en Dieu, purement et spirituellement. J’évoquai de mon côté un démon qui lui apparut sous une forme plus bénigne et plus agréable. Je la retirai au bout de six semaines de Port-Royal, où elle faisoit de temps en temps des escapades plutôt que des retraites. Je continuai de lui rendre mes respects avec beaucoup d’assiduité, et je charmai par là et par d’autres divertissemens le chagrin que ma profession ne laissoit pas de nourrir toujours dans le fond de mon ame. Il s’en fallut bien peu qu’il ne sortît de cet enchantement une tempête qui eût fait changer de face à l’Europe, pour peu qu’il eût plu à la destinée d’être de mon avis. M. le cardinal de Richelieu aimoit la raillerie, mais il ne pouvoit la souffrir ; et toutes les personnes de cette humeur ne sont jamais que fort aigres. Il en fit une

  1. La princesse de Guémené étoit Anne de Rohan, fille de Pierre de Rohan, prince de Guémené, et de Madeleine de Rieux de Château-neuf. (A. E.)
  2. M. d’Andilly : Robert Arnauld d’Andilly. (Voyez la Notice qui précède ses Mémoires.)