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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/119

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DU CARDINAL DE RETZ.

nécessaire de prendre bien justement pour les grandes résolutions ; que la santé de M. le cardinal commençoit à recevoir beaucoup d’atteintes ; que s’il périssoit d’une maladie, M. le comte auroit l’avantage d’avoir fait voir au Roi et au public qu’étant aussi considérable qu’il étoit et par sa personne et par l’important poste de Sedan, il n’auroit sacrifié qu’au bien et au repos de l’État ses propres ressentimens ; et que si la santé de M. le cardinal se rétablissoit, sa puissance deviendroit aussi odieuse de plus en plus, et fourniroit infailliblement, par l’abus qu’il ne manqueroit pas d’en faire, des occasions plus favorables aux mouvemens que celle qui se voyoit présentement.

Voilà à peu près ce que je dis à M. le comte : il en parut touché. M. de Bouillon s’en mit en colère, et me dit même d’un ton de raillerie : « Vous avez le sang bien froid pour un homme de votre âge ! » À quoi je lui répondis ces propres mots : « Tous les serviteurs de M. le comte vous sont si obligés, monsieur, qu’ils doivent tout souffrir de vous ; mais il n’y a que cette considération qui m’empêche de penser, à l’heure qu’il est, que vous pourrez bien n’être pas toujours entre vos bastions. » M. de Bouillon revint à lui ; il me fit toutes les honnêtetés imaginables, et telles qu’elles furent les commencemens de notre amitié. Je demeurai encore deux jours à Sedan, dans lesquels M. le comte changea cinq fois de résolution ; et Saint-Ibal me confessa, à deux reprises différentes, qu’il étoit difficile de rien espérer d’un homme de cette humeur. M. de Bouillon le détermina à la fin. L’on manda don Miguel de Salamanque, ministre d’Espagne ; l’on me chargea de travailler à ga-