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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/122

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MÉMOIRES

il a le crâne étroit. — À qui vous fiez-vous dans Paris ? » me dit d’un même fil M. le comte de Cramail. « À personne, monsieur, lui repartis-je, qu’à vous seul. — Bon, reprit-il brusquement, vous êtes mon homme. J’ai quatre-vingts ans passés, vous n’en avez que vingt-cinq : je vous tempérerai, et vous m’échaufferez. » Nous entrâmes en matière, nous fîmes notre plan ; et lorsque je le quittai, il me dit ces propres paroles : « Laissez-moi huit jours, je vous parlerai après plus décisivement ; et j’espère que je ferai voir au cardinal que je suis bon à autre chose qu’à faire les Jeux de l’inconnu. » Vous remarquerez, s’il vous plaît, que les Jeux de l’inconnu étoit un livre, à la vérité très-mal fait, que le comte de Cramail avoit mis au jour, et duquel M. le cardinal de Richelieu s’étoit fort moqué. Vous vous étonnerez sans doute de ce que, pour une affaire de cette nature, je jetai les yeux sur des prisonniers ; mais je me justifierai même par la nature de l’affaire, qui ne pouvoit être en de meilleures mains, comme vous l’allez voir.

J’allai justement dîner le huitième jour avec M. le maréchal de Bassompierre, qui, s’étant mis au jeu sur les trois heures avec madame de Gravelle, aussi prisonnière, et avec le bonhomme Du Tremblay, gouverneur de la Bastille, nous laissa très-naturellement M. de Cramail et moi ensemble. Nous allâmes sur la terrasse ; et là M. le comte de Cramail, après m’avoir fait mille remercîmens de la confiance que j’avois prise en lui, et mille protestations de service pour M. le comte, me tint ce propre discours : « Il n’y a qu’un coup d’épée ou Paris qui nous puissent défaire du