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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/126

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MÉMOIRES

même quelquefois, qui venoient à l’aumône secrète. La bonne femme ne manquoit presque jamais de leur dire : « Priez bien Dieu pour mon neveu ; c’est lui de qui il lui a plu se servir pour cette bonne œuvre. » Jugez de l’état où cela me mettoit parmi les gens qui sont sans comparaison plus considérables que tous les autres dans les émotions populaires ! Les riches n’y viennent que par force ; les mendians y nuisent plus qu’ils n’y servent, parce que la crainte du pillage les fait appréhender. Ceux qui y peuvent le plus sont les gens qui sont assez pressés dans leurs affaires pour désirer du changement dans le public, et dont la pauvreté ne passe toutefois pas jusqu’à la mendicité publique. Je me fis donc connoître à cette sorte de gens trois ou quatre mois durant, avec une application toute particulière ; et il n’y avoit point d’enfans au coin de leur feu à qui je ne donnasse toujours, en mon particulier, quelques bagatelles. Je connoissois Nanon et Babet. Le voile de madame de Maignelay, qui n’avoit jamais fait d’autre vie, couvroit toutes choses. Je faisois même un peu le dévot, et j’allois aux conférences de Saint-Lazarre[1].

Mes deux correspondans de Sedan, qui étoient Varicarville et Beauregard, me mandoient de temps en temps que M. le comte étoit le mieux intentionné du monde ; qu’il n’avoit plus balancé depuis qu’il avoit pris son parti. Et je me souviens entre autres qu’un jour Varicarville m’écrivit que lui et moi lui avions fait autrefois une horrible injustice ; et que cela étoit si vrai qu’il falloit présentement le retenir,

  1. Aux conférences de Saint-Lazarre : Ces conférences étoient faites par Vincent de Paul, ancien précepteur de Gondy.