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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/165

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DU CARDINAL DE RETZ.

l’étoient pas, mais qui le pouvoient devenir ; et la troisième, de ceux qui ne l’étoient pas et ne le pouvoient jamais être. On séparoit ceux de ces deux dernières classes, on les interdisoit de leurs fonctions, on les mettoit dans des maisons distinctes ; l’on instruisoit les uns, et l’on se contentoit d’apprendre purement aux autres les règles de la piété. Vous jugez bien que ces établissemens devoient être d’une dépense immense : mais l’on m’apportoit des sommes considérables de tous côtés. Toutes les bourses des gens de bien s’ouvrirent avec profusion. Cet éclat fâcha le ministre ; et il fit que la Reine manda, sous un prétexte frivole, M. de Paris, qui, deux jours après qu’il fut arrivé, me commanda, sous un autre encore plus frivole, de ne pas continuer l’exécution de mon dessein. Quoique je fusse très-bien averti par mon ami l’aumônier que le coup me venoit de la cour, je le souffris avec bien plus de flegme qu’il n’appartenoit à ma vivacité. Je n’en témoignai quoi que ce soit, et je demeurai dans ma conduite ordinaire à l’égard de M. le cardinal. Je ne parlai pas si judicieusement sur un autre sujet, quelque jours après, que j’avois agi sur celui-là. Le bonhomme M. de Morangis me disant, dans la cellule du prieur de sa chartreuse, que je faisois trop de dépense (ce qui n’étoit que trop vrai, car je la faisois excessive), je lui répondis fort étourdiment : « J’ai bien supputé ; César, à mon âge, devoit six fois plus que moi. » Cette parole très-imprudente en tous sens fut rapportée, par un malheureux docteur qui se trouva là, à M. Servien[1] qui la dit malicieusement à M. le cardinal : il s’en moqua, et

  1. Abel Servien, marquis de Sablé, mort en 1659. (A. E.)