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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/208

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[1648] MÉMOIRES

Dans le cours de cette année d’agitation que je viens de toucher, je me trouvai moi-même dans un mouvement intérieur qui n’étoit connu que de fort peu de personnes. Toutes les humeurs de l’État étoient si émues par la chaleur de Paris, qui en est le chef, que je jugeois bien que l’ignorance du médecin ne préviendroit pas la fièvre qui en étoit comme la suite nécessaire. Je ne pouvois ignorer que je ne fusse très-mal dans l’esprit du cardinal. Je voyois la carrière ouverte, même pour la pratique, aux grandes choses dont la spéculation m’avoit touché beaucoup dès mon enfance : mon imagination me fournissoit toutes les idées du possible ; mon esprit ne les désavouoit pas, et je me reprochois à moi-même la contrariété que je trouvois dans mon cœur à les entreprendre. Je m’en remerciai, après en avoir examiné à fond l’intérieur ; et je connus que cette opposition ne venoit que d’un bon principe.

Je tenois la coadjutorerie de la Reine. Je ne savois pas diminuer mes obligations par les circonstances. Je crus que je devois sacrifier à la reconnoissance mes ressentimens, et même les apparences de ma gloire ; et, quelques instances que me fissent Montrésor et Laigues, je me résolus de m’attacher purement à mon devoir, et de n’entrer en rien de tout ce qui se disoit ou se faisoit dans ce temps-là contre la cour. Le premier de ces deux hommes, que je viens de vous nommer, avoit été toute sa vie nourri dans les factions de Monsieur ; et il étoit d’autant plus dangereux pour conseiller les grandes choses, qu’il les avoit beaucoup plus dans l’esprit que dans le cœur. Les gens de ce caractère n’exécutent rien, et par cette